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La raison peut-elle tolérer les pratiques culturelles immorales ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

L’humanité est un concept abstrait, dont l’essence ne peut être représentée par les valeurs prônées par une société particulière. Un trait commun caractérise cependant toutes ces communautés, à savoir la distinction entre le bien et le mal, entre ce qui est souhaitable et ce qui est prohibé. Certes, le contenu de cette moralité varie dans chaque culture, car il est profondément lié à la représentation des éléments qui constituent cet univers donné. Est bien ce qui contribue en même temps à l’intérêt général qu’à l’intérêt particulier, et chaque membre de la société a le devoir de tendre vers le bien. En tout cas, les pratiques assignées à une culture visent d’emblée le bonheur de l’assemblée, quel que soit le sacrifice ou la difficulté qu’elles requièrent. Bergson, dans Les deux sources de la morale et de la religion, confirme : « L’obéissance au devoir est une résistance à soi-même ». Mais sachant que les délimitations du bien et du mal n’échappent pas à la critique pertinente de la raison, il est des mœurs qui ont disparu car jugés trop superstitieux, ou bien ne convenant plus avec le nouvel ordre social. Tout compte fait, il est très fréquent de voir que la situation actuelle n’est pas toujours aussi satisfaisante qu’auparavant, à cause du changement qui a été appuyé par la raison. La raison a-t-elle le droit de délimiter ce qui est bien ou ce qui est mal pour la société ? Face à cette problématique, nous allons adopter un plan à trois parties : d’une part, le pouvoir de la raison met sous son œil critique les vérités jugées comme évidentes ; d’autre part, les normes imposées par la société présente parfois des failles ; et pour terminer, l’immoralité doit cesser telle qu’il est conseillé par la lumière de la raison.

I) La raison est l’unité de mesure de ce qui convient pour l’homme

Ce n’est pas uniquement à travers la science que l’homme se prévaut d’user de sa raison, mais également dans les moindres choses qui concernent son agir et son existence. Nul homme n’agit par la simple nécessité de sa nature, car il dispose d’un guide sûr pour lui expliquer en quoi l’acceptation ou le refus pour un acte donné pourrait causer son triomphe ou sa ruine. Cela signifie que même le devoir qui est considéré comme un impératif pour chaque membre de la société ne devrait point présenter de contradiction avec la raison. C’est dans ce sens que Kant affirme dans Critique de la raison pratique : « Ce n’est pas autre chose que la personnalité, c’est-à-dire la liberté et l’indépendance à l’égard du mécanisme de la nature entière, considérée cependant en même temps comme un pouvoir d’un être qui est soumis à des lois spéciales, c’est-à-dire aux lois pures pratiques données par sa propre raison ». Dans l’agir, la raison intervient considérablement pour orienter nos actions dans le bon chemin : d’un côté par l’obéissance au devoir qui a été prouvé comme le bien suprême de l’homme, et de l’autre, si l’action n’est pas soumise au devoir, de tracer un choix éclairé qui est précédé d’un calcul pertinent sur ses effets possibles. Ainsi, l’homme ne suit pas aveuglément ce qui est communément admis comme bien par la société, elle est également capable de réflexion pour pallier certaines lacunes à l’intérieur de la morale. Cela se traduit par l’éthique de la responsabilité, tel qu’il est traduit par ce passage de l’ouvrage Le métier et la vocation d’homme politique de Max Weber : « Celui qui, en général, veut faire de la politique et surtout celui qui veut en faire sa vocation doit prendre conscience de ces paradoxes éthiques et de la responsabilité à l’égard de ce qu’il peut lui-même devenir sous leur pression ». Autrement dit, il est des cas où une action moralement bonne engendre des conséquences indésirables qui sont sues au préalable. En connaissance de cause, l’homme est tout à fait en mesure de faire un choix éclairé et raisonnable, pour suivre ou bien renoncer à cette action prescrite par la morale, mais présentant des risques préjudiciables. Sans jamais évincer la valeur de la morale, la raison devient alors une assistante fidèle pour guider l’homme dans ses décisions. Rappelons que l’agir ne suit pas une formule préétablie face à une situation donnée, car le devoir s’exécute en toute conscience et volonté. Néanmoins, l’accompagnement de la raison ne signifie pas que la morale a perdu de ses forces. John Stuart Mill souligne dans L’utilitarisme : « C’est affaire à la morale de nous dire quels sont nos devoirs, ou quel est le critérium qui nous permet de les reconnaître ; mais aucun système de morale n’exige que le seul motif de tous nos actes soit le sentiment du devoir ».

Le rapport entre la morale et la raison est de telle sorte que la première possède des principes qui agissent universellement sur chaque conscience, et la seconde valide l’utilité et la nécessité de ces actes. Force est de constater que les contenus d’une morale particulière proviennent à la base d’une culture où elle est issue.

II) La morale reflète les valeurs et les principes qui sont propres à une culture

La morale n’est pas universellement établie, mais se différencie dans chaque culture où elle prend forme. Elle se déploie dans le cadre d’une vision du monde, où se présente tout un ensemble de significations à travers les éléments composant le milieu et la hiérarchie des individus. En d’autres termes, c’est la culture qui définit ce qui est moralement acceptable et ce qui ne l’est pas. Juger les fondements d’une morale renvoie donc à juger la culture qui l’a engendré. Schopenhauer disait d’ailleurs : « Il est plus facile de prêcher la morale plutôt que de la fonder ». Les critiques à l’encontre d’un principe moral sont d’origines diverses, soit par la comparaison avec d’autres convictions, soit par le constat des préjudices suite à l’exécution du devoir. Et pourtant, une action accomplie par devoir, c’est-à-dire selon les règles de la raison pratique, est bonne en soi. Sachons que les tribunaux et les forces de l’ordre sont désignés pour réguler les tensions issues des marginaux, c’est-à-dire ceux qui s’opposent contre les institutions érigées par la société. Ces personnes anticonformistes pensent intérieurement que ce qui est culturellement acceptable, donc transformé en lois et accepté en tant que source de moralité, n’est pas toujours convenable pour les individus particuliers. La citation de Pascal tirée de son ouvrage Pensées l’atteste : « De cette confusion arrive que l’un dit que l’essence de la justice est l’autorité du législateur, l’autre la commodité du souverain, l’autre la coutume présente ; et c’est le plus sûr : rien suivant la seule raison, n’est juste en soi ; tout branle avec le temps ». Cela signifie que chaque individu est libre d’adhérer ou de ne pas adhérer à une culture ainsi qu’aux principes moraux que celle-ci contient, tout en en subissant les conséquences. En dénonçant par la raison que telle ou telle pratique culturelle est immorale, le membre de la société sera certainement confronté au tribunal social. Les normes imposées par une culture ne sont donc pas une vérité éternelle, mais une représentation parmi d’autres qui tente d’exprimer le bien selon une forme particulière. Toutefois, nous ne pouvons pas affirmer que c’est la culture en elle-même qui est défaillante, car celle-ci reflète tout un système sur lequel tient la vie de la société. Ce passage du Tristes tropiques de Lévi-Strauss le prouve : « Aucune société n’est parfaite. Toutes comportent par nature une impureté incompatible avec les normes qu’elles proclament et qui se traduit concrètement par une certaine dose d’injustice, d’insensibilité, de cruauté ».

Les lois morales inculquées par une culture ne sont pas toujours les plus justes et les plus favorables pour tout un chacun. Il existe un bien plus vénérable face au devoir, qui est la conservation de la vie, sans lequel il serait impossible d’exercer son devoir.

III) La raison est tout à fait capable de vaincre l’immoralité

Il est difficile de définir et de constater l’immoralité dans une société donnée lorsqu’elle est intériorisée dans une pratique culturelle, et surtout lorsque les membres de la communauté l’acceptent comme devoir. Toutefois, on peut désigner l’immoralité comme étant une pratique qui porte atteinte à la dignité humaine. Par peur de la marginalisation, l’individu peut toujours adhérer à cette pratique, tout en étant conscient des méfaits engendrés par son consentement à l’acte. Évaluer une culture de manière pertinente n’implique pas nécessairement se prononcer contre l’institution mise en place, car le fait d’écouter la voix de la raison est déjà un signe d’intolérance. La philosophie est la discipline la mieux placée pour le faire, tel qu’il est conseillé par Spinoza comme suit : « Je laisse chacun vivre selon sa complexion, et je consens que ceux qui veulent, meurent pour ce qu’ils croient être leur bien, pourvu qu’il me soit permis à moi de vivre pour la vérité ». Et pourtant, nul n’empêche tout un chacun de lutter contre les injustices, et ce, directement par les actions, dans le cas où l’institution créée par la société nuit à la conservation de la vie. L’intolérance contre une pratique culturelle immorale est tout à fait légitime, bien que cette lutte se fasse par le prix d’une révolution et par la refonte même de diverses institutions sociales. Et même si les individus particuliers n’ont pas le courage de se prononcer sur leur cause, le temps s’en chargera pour changer les mœurs, mais selon une très lente évolution. Certains objecteraient d’ailleurs que la culture reflète l’identité de tout un peuple, et que ce dernier a le droit de se comporter tel qu’il leur semble convenable. Contenant une forme de rationalité mais également une partie très arbitraire, aucune culture ne peut se prévaloir d’avantage face à une autre. Interprétée de manière philosophique, cette étude se rapproche de cette thèse de Bertrand Russel dans The problems of philosophy : « La philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous dire avec certitude quelle est la vraie réponse aux doutes qu’elle élève, peut néanmoins suggérer diverses possibilités qui élargissent le champ de nos pensées et les délivrent des tyrannies de la coutume ». En se référant aux principes de la raison, nul ne peut blâmer quelqu’un qui voudrait s’écarter des sentiers battus qui ont été longtemps tracés par une culture donnée. De toutes les choses qui ne devraient en aucun cas être tolérées, l’immoralité et en première place, et la croyance en l’intervention de quelques forces divines qui soutiennent la place de l’immoralité est de nul effet face à la raison. C’est pourquoi il est des pratiques qui se métamorphosent au fil du temps : la signification initiale se maintient toujours, tandis que leur manifestation extérieure a changé de forme. Voltaire, dans Dictionnaire philosophique, fait la remarque suivante : « Il est des sages qui disent : aucune de ces superstitions n’a produit du bien ; plusieurs ont fait de grands maux. Il faut donc les abolir ».

Conclusion

Pour conclure, les préceptes de la morale se donnent à nous comme une sorte d’évidence, toutefois la volonté de suivre ces principes est précédée par une validation de la raison. Par conséquent, si la raison est capable de se mettre en osmose avec les principes de la morale, c’est parce qu’elle est consciente des bienfaits que cela apporte à l’individu et à la communauté. Cependant, ce qui est moralement acceptable dépend des valeurs assignées à l’espace ainsi qu’aux objets qui peuplent celui-ci, le tout inséré dans une trame de rationalité qui régit la vie en société. Ainsi, la liberté de pensée offre une opportunité selon laquelle nul ne peut se soumettre à quelque chose qui est contraire à la raison, et ce, même selon les devoirs imposés par la culture. L’universalité de la raison laisse penser qu’il ne devrait pas y avoir de contradiction entre le jugement de ce qui est bien ou mal parmi les hommes. La morale est-elle fondée sur les croyances religieuses ou sur la force de la raison ?

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Toute La Philo

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